LA DIMENSION HUMAINE DANS LA CULTURE DU DIALOGUE
Mes réponses aux questions posées il y a quelques jours par un journaliste occidental du Phnom Penh Post permettront aux personnes intéressées de mieux comprendre la culture du dialogue que le Premier Ministre Hun Sen et moi, chef de l’opposition, essayons de développer au Cambodge.
Question: Vous avez parlé de créer une culture du dialogue avec Hun Sen une fois déjà en 2006, après votre retour d’exil, mais en dépit d’un début cordial, Hun Sen a finalement repris ses persécutions politiques contre vous. Pourquoi pensez-vous que ce sera différent en 2015?
Réponse: Parfois, il faut plusieurs tentatives avant d’atteindre le but désiré. En outre, le paysage politique au Cambodge en 2015 est bien différent de celui de 2006. Pour la première fois, il y a maintenant une opposition unie (et forte) au Parlement, où seulement deux partis sont représentés. Ce nouvel équilibre des forces est plus propice à un vrai dialogue.
Question: Pensez-vous que Hun Sen croie vraiment que vous pourriez devenir un jour Premier Ministre, comme il l’a dit il y a quelques jours, ou bien pensez-vous qu’il joue la comédie?
Réponse: C’était juste une supposition de sa part. Il a prononcé mon nom comme un “exemple” de futur premier ministre possible à la suite d’un changement dans la direction du pays. Mais mon avenir politique ne dépend que du peuple cambodgien.
Question: Dans quelle mesure pensez-vous que Hun Sen agisse de bonne foi et dans quelle mesure pensez-vous qu’il essaie de vous manipuler en vous entraînant dans une culture du dialogue? Comment vous protéger d’une manipulation par Hun Sen?
Réponse: Tous les deux, nous avançons en âge et nous sommes amenés à réajuster nos buts dans la vie. Nous devons notamment nous préoccuper de ce que nous voulons laisser à la génération suivante. Dans ce contexte, je crois sincèrement que Hun Sen est sincère. Et cela pourrait être une prophétie qui deviendra réalité par le seul fait que nous l’avons proférée. Je crois que, dans tout être humain, fût-il un tyran ou un assassin, il y a au moins une petite particule d’humanité. Nous devons aider l’humanité à croître partout. Je ne suis pas chrétien mais je crois dans la rédemption comme dans le pardon. Ces notions ne sont pas contraires à ma foi bouddhiste. Si vous écoutez nos derniers discours, vous verrez que Hun Sen et moi avons finalement (mieux vaut tard que jamais!) tiré la même leçon de l’histoire de notre pays: parce que nos dirigeants se disputaient sans cesse et se sont battus entre eux sans arrêt pendant ces derniers siècles, chaque côté a demandé l’intervention d’un pays voisin pour vaincre l’autre côté, beaucoup de sang khmer a coulé dans des guerres civiles et des massacres. Notre territoire a continuellement rétréci et notre pays a perdu son indépendance après chaque intervention étrangère. Si ces enchaînements se poursuivent, le Cambodge risque tout simplement de disparaître en tant que nation.
Question: Tout le monde n’est pas content du dialogue que vous avez ouvert, en particulier Mam Sonando. Pouvez-vous expliquer la justesse de vos calculs politiques quand ils peuvent vous faire perdre du soutien parmi les opposants?
Réponse: L’important est de rester fidèle à soi-même. En promouvant le changement de mentalité lié à la culture du dialogue, je sais que je prends un risque politique parce que certains ne comprennent pas tout de suite où je veux en venir et ils m’accusent de trahison juste parce que je préconise le dialogue avec “l’ennemi”. Mais tant que je demeure fidèle à moi-même, tant que je continue à respecter les valeurs qui ont sous-tendu mon combat politique depuis 25 ans, je n’ai pas peur de perdre, dans l’immédiat, quelques soutiens et quelques votes. Laissons le temps faire son travail, laissons le temps aider les gens à comprendre ma motivation et mon objectif réels.
Question: Vous et le Premier Ministre devez penser que cette détente profite à vos partis respectifs. Pouvez-vous expliquer comment votre attitude amicale envers le Premier Ministre bénéficie plus au CNRP qu’au CPP?
Réponse: Du fait des changements que la culture du dialogue implique, ce n’est pas si important de “bénéficier au CNRP” que de bénéficier au pays. Quand je m’efforce de mettre fin à une culture de confrontation et de violence qui a existé depuis des siècles, et de la remplacer par une culture de dialogue, ce n’est pas au CNRP que je pense, mais à la nation cambodgienne toute entière. Mon rêve est de voir une démocratie adulte prendre racine dans ce pays où aucun Cambodgien ne traiterait plus un autre Cambodgien comme “ennemi”. Nous pourrions alors mettre fin au cercle vicieux de la violence et de la vengeance, et concentrer nos efforts, notre énergie et nos ressources au développement de notre pays pour le bien-être de notre peuple.